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17 juin 2014

Carnet / Avant de mettre la table du petit déjeuner

J’en suis encore à me demander, lorsque je trouve certains coins de ma région vraiment trop moches dans des bourgades du Haut-Bugey et du Haut-Jura, entre Oyonnax, Nantua et Saint-Claude, pourquoi je n’ai pas saisi quelques occasions de partir m’installer sous des climats et dans des lieux plus adaptés à mes goûts et à ma personnalité. L’Italie et le Portugal m’auraient beaucoup plu mais il n’est hélas pas dans mes moyens intellectuels d’apprendre une langue étrangère. Cette incapacité définitive a au moins un avantage :

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Photo : à Lisbonne

lorsque je me trouve dans un pays étranger que j’aime, j’apprécie de ne rien comprendre de ce qui se dit autour de moi. C’est comme si je me trouvais en vacances de toute actualité avec l’illusion de jouir ainsi d’une sorte d’immunité diplomatique. Manque de courage, de maturité, de réactivité, lenteur, difficultés d’adaptation, esprit petit bourgeois souvent réactionnaire sur certains sujets (je n’en ai pas honte) peur de manquer (je suis adepte du « mieux vaut un tiens que deux tu l’auras »), je n’en finirais pas de chercher les vraies raisons de mon enracinement et cela ne servirait plus à grand-chose désormais. Quant aux « promotions » , du reste très foireuses, qu’on a tenté de me refiler à l’époque où j’étais dans la presse puis dans d’autres métiers, elles n’étaient que des manœuvres destinées à me mettre en situation d’incompétence et à me faire démissionner. Je ne suis évidemment pas tombé dans ce piège et quand bien même aurais-je accepté les mutations, ici comme ailleurs, j’aurais toujours eu la même nausée à me coltiner la merdouille locale qui pue partout d’identique façon, même sous des cieux plus cléments d’un point de vue météorologique. Au moins ici et maintenant, je vis dans une bulle de nature et d’espace à peu près préservés sur ma terre et celle de mes aïeux, à l’écart de ce qui a plombé ma jeunesse, c’est-à-dire des boulots débiles, des sots métiers, entre autres celui de journaliste qu’il me déplaît d’avoir exercé (mais c’était cela qui s’était présenté).

Ces trois derniers soirs, j’ai vu passer le renard qui a emprunté le même itinéraire à la même heure. J’étais dehors immobile au clair de lune sur trois marches près de ma porte d’entrée. L’autre soir, il a tourné la tête vers moi et s’est immobilisé sous l’effet de surprise. Jusqu’à maintenant, je n’en avais vu que de d’assez fluets mais ce spécimen-là était vraiment d’une taille impressionnante. Il m’a fixé intensément pendant une bonne minute puis, voyant que je ne bougeais pas, il m’a sans doute oublié et a repris tranquillement sa route en produisant de petits sons aigus et étranges, assez désagréables à l’oreille. La nuit suivante (pour une fois je dormais un peu mieux), ce sont les sangliers qui sont venus dévaster les rangées de pommes de terre dans le jardin. Nous ne couperons pas à la construction d’une clôture.

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À part ça, comme d’habitude dans le Jura, la saison à peu près chaude a succédé du jour au lendemain à la saison froide. Du coup, les pivoines qui ont trop hésité et on battu leur record de retard en attendant jusqu’à maintenant se sont ouvertes en catastrophe et ont vite cédé sous un soleil trop piquant. Certaines se sont étiolées et d’autres ont séché en boutons ; en cela les pivoines sont comme les œuvres littéraires que nous portons et qu’il faut sortir au bon moment. Sinon c’est fichu.

J’arrête là car il est 2h du matin et je me lève à 6h. En plus, j’ai besoin d’un petit cigare et d’un carré de chocolat noir. Je dois aussi mettre la table du petit-déjeuner.

16 février 2014

Carnet / D’une coccinelle, de la voix de Cendrars et d’une mauvaise pioche

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Par mégarde, j’ai tué une coccinelle que j’avais déjà vue immobile au coin de la fenêtre. J’étais en train d’écrire sous la lampe lorsque, sans doute dérangée par la chatte Linette, elle m’a frôlé l’oreille en s’envolant, ce qui m’a fait sursauter. Instinctivement, d’un revers de la main, j’ai chassé ce que je croyais être une mouche ou une araignée. J’ai récupéré la coccinelle sur mon clavier mais elle ne bougeait plus, ailes et élytres de travers.
Cet incident qui m’a attristé me fait penser à la vision qu’a Michel Houellebeck de la nature considérée comme ennuyeuse et hostile (« La forêt vous étreint dans son rêve cruel »). Moins radical sur ce sujet, je reconnais tout de même qu’il m’est difficile d’oublier qu’à chaque instant de notre vie, la nature nous met en situation de supprimer le plus souvent à notre insu d’autres vies qu’elle a créées. Déprimant constat qui suffit à lui seul à réduire toute philosophie et toute croyance aux limites de la fiction.

Voix de Blaise Cendrars
J’entends pour la première fois la voix de Blaise Cendrars en archive sonore l’autre soir sur France Musique dans le cadre de l’émission Greniers de la mémoire consacrée à Érik Satie. Au lieu de la voix grave qu’on imagine par automatisme à un physique de baroudeur tel que celui de Cendrars, c’est la voix d’un vieux monsieur, haut perchée et pâteuse, légèrement nasillarde, qui raconte un épisode touchant et comique de son amitié avec Satie.
Il s’agit pour Cendrars de raccompagner Satie à travers Paris jusqu’à son train qui le mènera chez lui à Arcueil en banlieue pour l’empêcher de dépenser en chemin, notamment dans des tabacs et des bistrots, tout l’argent d’un des rares chèques qu’il vient de toucher en rétribution de sa musique. Rapportée par Cendrars qui s’ingénie à élaborer un itinéraire pauvre en troquets, l’anecdote est savoureuse et désopilante, pleine de tendresse et d’une magnifique humanité aussi.
Malgré son génie, plus probablement à cause de son génie, Érik Satie n’a pas eu beaucoup de chance dans sa vie mais il a quand même eu celle de copiner avec Blaise Cendrars. De son côté, Cendrars ne pouvait que bien s’entendre avec un compositeur qui a fait huit jours de prison pour avoir répondu à un critique musical hostile  : « Monsieur et cher ami, vous n'êtes qu'un cul, mais un cul sans musique » .
Pour en revenir à la voix de Cendrars, le fait de l’avoir écoutée m’a donné envie de le relire. Juste une chose qui m’est incompréhensible chez Cendrars : pourquoi s’est-il engagé dans la première guerre mondiale (avec pour conséquence d’y perdre son bras droit) alors que rien ne l’y obligeait en tant que citoyen suisse ? Un mystère pour un homme de mon caractère et de mon époque...

Mauvaise pioche ?
Contrarié par ce qui semble une mauvaise pioche. Depuis le temps que j’entends parler d’Alice Munro (prix Nobel de littérature 2013) j’ai acquis un de ces nombreux recueils de nouvelles, Fugitives (éditions Points). Découragé par la première qui me tombe des mains dès le début, je vais en essayer d’autres mais je crois que je suis mal parti pour trouver la porte d’entrée dans cet univers...